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Peut-on concilier médecine traditionnelle chinoise et médecine moderne ?

  • Photo du rédacteur: Dr Alain SUPPINI
    Dr Alain SUPPINI
  • 7 oct.
  • 6 min de lecture

La médecine traditionnelle chinoise et la médecine moderne s’opposent-elles ou se complètent-elles ? Entre biologie moléculaire, acupuncture et approche énergétique, découvrons comment ces deux visions du soin peuvent dialoguer sans se renier.

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Deux mondes, une même quête


L’une ausculte les cellules, l’autre écoute les souffles.

La médecine moderne s’appuie sur la rigueur des sciences expérimentales : observation, preuve, mesure, reproductibilité. Elle a permis des avancées spectaculaires — vaccins, chirurgie, antibiotiques, greffes, imagerie médicale — qui ont transformé la santé mondiale.

Mais elle est aussi accusée d’avoir réduit le corps à une machine biologique, déconnectée de l’esprit et du sens.

La médecine traditionnelle chinoise (MTC), quant à elle, repose sur une vision globale de l’être humain comme un système vivant en interaction constante avec la nature. Depuis plus de deux mille ans, elle cherche à maintenir l’harmonie du corps, du mental et de l’environnement plutôt qu’à supprimer un symptôme isolé.

Deux visions, donc, issues de contextes culturels et philosophiques radicalement différents :

  • L’Occident cartésien a séparé le corps de l’esprit.

  • L’Orient a cherché à les relier.

Mais les deux poursuivent une même quête : comprendre le vivant pour soulager la souffrance.

Et si, plutôt que de s’opposer, ces deux approches pouvaient s’enrichir mutuellement ?


1. Deux logiques complémentaires : réparer ou harmoniser


La médecine moderne fonctionne selon le modèle biomédical : le corps est un ensemble de systèmes organiques dont le dysfonctionnement engendre la maladie. L’objectif est de corriger le désordre — par un médicament, une opération ou une technique. Cette approche est puissante, notamment dans les cas aigus : infection, fracture, infarctus, cancer.

Cependant, elle montre ses limites face aux troubles chroniques, fonctionnels ou psychosomatiques, où la cause est diffuse et plurifactorielle. C’est là que la MTC entre en scène.

Dans la tradition chinoise, le corps est traversé par des flux d’énergie (Qi) qui circulent selon des méridiens. Chaque organe correspond à un mouvement de la nature : le Foie est associé au Bois (croissance, colère, printemps), les Reins à l’Eau (repos, peur, hiver). La maladie est perçue non comme une entité externe, mais comme une disharmonie interne entre ces forces.

"Le médecin occidental cherche la cause ; le médecin chinois cherche le déséquilibre."

Concrètement, une migraine ne sera pas traitée de la même façon :

  • En médecine moderne, on prescrira un anti-inflammatoire ou un triptan.

  • En MTC, on cherchera à libérer la stagnation du Qi du Foie, à apaiser le Yang montant, ou à renforcer le Sang s’il est déficient.

Ce n’est pas une opposition, mais une complémentarité de perspective.

L’une agit sur la manifestation, l’autre sur le terrain.

L’une répare, l’autre harmonise.


2. La convergence : la médecine intégrative en marche


Depuis une vingtaine d’années, un mouvement profond s’opère : celui de la médecine intégrative.

Née dans les années 1990 à l’université de l’Arizona sous l’impulsion du Dr Andrew Weil, elle vise à combiner le meilleur des deux mondes — la science fondée sur la preuve et les approches traditionnelles validées par l’expérience et la recherche clinique.

Dans de nombreux hôpitaux américains, canadiens et européens, des services associent aujourd’hui acupuncture, méditation, Qi Gong, nutrition et psychologie à la médecine conventionnelle. Cette approche est particulièrement utilisée en oncologie, douleur chronique, réhabilitation post-opératoire et santé mentale.


➤ L’acupuncture et la douleur


L’OMS reconnaît officiellement depuis 2002 l’efficacité de l’acupuncture dans le traitement d’une quarantaine d’affections : lombalgies, migraines, arthrose, anxiété, nausées post-chimiothérapie, infertilité fonctionnelle.

De nombreuses études (notamment Vickers et al., Archives of Internal Medicine, 2012) montrent que l’acupuncture agit sur le système nerveux central, libérant des endorphines et modulant les circuits de la douleur.

Certaines IRM fonctionnelles confirment la stimulation de zones cérébrales précises (insula, hypothalamus, tronc cérébral).


➤ Le Qi Gong et la réhabilitation


Le Qi Gong, discipline du mouvement et du souffle, est désormais intégré à plusieurs protocoles de réhabilitation.

Une étude publiée dans le American Journal of Health Promotion (Jahnke et al., 2010) conclut qu’une pratique régulière améliore la capacité respiratoire, la coordination motrice, la concentration et la qualité du sommeil.

Dans certains hôpitaux chinois, il fait partie intégrante des soins post-AVC ou de la prévention du burn-out médical.


➤ La pharmacopée et la recherche moléculaire


La pharmacopée chinoise compte plus de 13 000 substances végétales, animales et minérales.

Parmi elles, certaines ont inspiré des découvertes majeures :

  • L’artémisinine, extraite de Artemisia annua et utilisée contre le paludisme, a valu à Tu Youyou le prix Nobel de médecine en 2015.

  • La berbérine, alcaloïde issu de plantes comme Coptis chinensis, montre des effets prometteurs sur la glycémie et le microbiote intestinal.

  • Le ginseng et l’astragale font l’objet d’essais cliniques sur l’immunité et la fatigue chronique.

La science moderne redécouvre ainsi ce que la tradition avait observé empiriquement : la nature recèle des principes actifs d’une complexité subtile, que seule une approche globale permet de comprendre.


3. Les résistances : quand les paradigmes s’entrechoquent


Pourtant, cette convergence n’est pas sans heurts.

Le dialogue entre MTC et biomédecine se heurte à des résistances culturelles et épistémologiques profondes.

Du côté occidental, la MTC est souvent critiquée pour son manque de standardisation. Les études cliniques sont difficiles à reproduire : chaque diagnostic énergétique est individualisé, et deux praticiens peuvent traiter différemment un même symptôme selon le terrain du patient.

De plus, les mécanismes du Qi ou des méridiens restent difficiles à traduire en langage scientifique. Les essais randomisés, modèles de référence de la médecine fondée sur la preuve, peinent à intégrer ces variables humaines et contextuelles.

Du côté oriental, certains praticiens redoutent que la recherche occidentale réduise la MTC à ses composants chimiques, perdant de vue sa philosophie holistique. Transformer les plantes en molécules brevetées revient à dissoudre la logique du Yin et du Yang, du cycle des saisons, du lien entre émotion et organe.

"L’Occident veut comprendre le vivant en le démontant. L’Orient veut l’écouter en silence."

Pour dépasser cette fracture, il faut repenser la notion même de "preuve".

Une preuve clinique est statistique ; une preuve vécue est expérientielle.

La médecine intégrative propose de faire cohabiter ces deux formes de savoirs, sans hiérarchie : l’une éclaire le comment, l’autre éclaire le pourquoi.

Certaines institutions, comme la Harvard Medical School’s Osher Center for Integrative Medicine ou le Shanghai University of Traditional Chinese Medicine, mènent des recherches croisées sur les bases neurophysiologiques du Qi, démontrant que la frontière entre science et sagesse s’amincit.


4. Vers une écologie du soin


Et si, au lieu de hiérarchiser les approches, nous apprenions à les écologiser ?

Dans une époque marquée par le stress chronique, la fatigue mentale et la perte de sens, la MTC apporte une dimension que la médecine moderne avait parfois oubliée : la relation.

Relation à soi, à son corps, à son environnement.

Une médecine "écologique" ne sépare pas le biologique du symbolique.

Elle reconnaît que l’écoute, le toucher, le rythme du soin participent eux aussi à la guérison.

Dans ce modèle, le patient n’est plus un corps à réparer, mais un partenaire de son propre équilibre.

Plusieurs pays expérimentent déjà cette hybridation :

  • En France, certains CHU (comme Strasbourg, Lille ou Montpellier) intègrent l’acupuncture et le Qi Gong dans leurs services de soins de support en oncologie.

  • En Suisse, la MTC est reconnue depuis 2012 comme pratique médicale complémentaire remboursée par l’assurance maladie.

  • Au Canada, des hôpitaux de Toronto et Vancouver développent des unités mixtes "East meets West".

Ces initiatives annoncent un tournant culturel : celui d’une médecine du lien, où la technologie et la tradition cessent de s’opposer.

Car au fond, soigner, c’est toujours rétablir la circulation du vivant — qu’on l’appelle Qi, flux, homéostasie ou neuroplasticité.


Conclusion : deux visions, un même souffle


Oui, concilier médecine traditionnelle chinoise et médecine moderne est non seulement possible, mais urgent.

Le XXIᵉ siècle appelle à une médecine à la fois rationnelle et intuitive, où les découvertes de la science dialoguent avec la sagesse des anciens.

La MTC ne remplacera jamais la chirurgie ni les vaccins, mais elle peut préparer le terrain intérieur, renforcer la vitalité, prévenir la rechute et restaurer la confiance dans le corps.

Inversement, la médecine moderne peut donner à la MTC des outils de validation, de rigueur et de sécurité, garantissant la qualité des soins et la protection des patients.

Ces deux approches ne sont pas rivales : elles sont les deux poumons d’un même souffle.

Et comme tout organisme vivant, la médecine ne peut respirer pleinement qu’en équilibre entre inspiration et expiration, science et sagesse, raison et intuition.

"Soigner, ce n’est pas seulement réparer ce qui est cassé, mais remettre en mouvement ce qui était arrêté."

Références :

  1. World Health Organization. Acupuncture: Review and Analysis of Reports on Controlled Clinical Trials, 2002.

  2. Jahnke, R. et al. Comprehensive review of health benefits of Qigong and Tai Chi, American Journal of Health Promotion, 2010.

  3. Vickers, A. et al. Acupuncture for Chronic Pain: Individual Patient Data Meta-analysis, Archives of Internal Medicine, 2012.

  4. Tu Youyou. Prix Nobel de médecine, Nobel Prize in Physiology or Medicine, 2015.

  5. Chen, K.W. & Turner, W. Clinical applications of traditional Chinese medicine in modern integrative care, Integrative Medicine Reports, 2018.

  6. Kaptchuk, T.J. The Web That Has No Weaver: Understanding Chinese Medicine, McGraw-Hill, 2000.

  7. Huangdi Neijing. Classique de l’Empereur Jaune, trad. P. Huard & M. Wong.


Commentaires


marilynemtc.com

Le praticien en médecine traditionnelle chinoise n’est habilité qu’au bilan énergétique.

La séance ne se substitue pas à un traitement médical et ne dispense en aucun cas d’un avis médical,

Seul votre médecin traitant est habilité à faire un diagnostic et à vous prescrire un traitement adapté à votre état de santé.

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